Depuis début février, la filière solaire photovoltaïque est fortement impactée par des effets d’annonces et des promesses d’évolutions réglementaires. Le risque est réel, certains parlent même de moratoire (comme en 2010).
Contexte
Depuis plusieurs années, le solaire photovoltaïque connaît une croissance importante, notamment au niveau résidentiel (192 394 installations, soit 982 MW en 2024), qui dépasse largement les objectifs fixés par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie sur la tranche [0,9] kWc (218 MW).
Sur le résidentiel, l’autoconsommation est le modèle principal (suite à l’effondrement des tarifs de vente totale) et grâce à l’arrêté tarifaire S21, les particuliers peuvent valoriser le surplus non autoconsommé à un tarif fixé pendant 20 ans (12.67c€/kWh en janvier), et bénéficient d’une prime à l’investissement (660€ pour une 3 kWc en janvier).
Les tarifs de vente et de la prime sont révisés chaque trimestre, et depuis le 29 janvier 2025, la CRÉ a annoncé un retard de publication des tarifs pour le trimestre février/mars/avril 2025.
Les futurs producteurs, dont la demande de raccordement Enedis a été faite après le 1er février, ne savent pas quel sera le montant de leur prime, ni à combien le surplus sera vendu !
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Campagne réalisée par l’association
Le solaire Territorial
Des annonces périlleuses
Relayées par les syndicats d’énergies renouvelables français, le ministère de l’industrie et de l’énergie promet un changement du « soutien » public. Et les chiffres transmis sont alarmants !
Lors de la rédaction de l’article, aucune annonce officielle n’a été faite mais un arrêté modificatif devrait paraître très vite. Les chiffres suivants sont issus d’échanges verbaux entre le ministère et les syndicats.
- Prime à l’investissement fixée à 80€/kWc sur la tranche [0,9] kWc
- Tarif de vente du surplus fixé à 4c€/kWh sur la tranche [0,9] kWc
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Quels impacts pour les particuliers ?
Nous vous proposons, en se basant sur ces chiffres non officiels (au 18/02/25), deux cas d’études « classiques » pour des installations résidentielles :
- Installation de 3 kWc, dans un foyer ayant une consommation électricité raisonnable (2800 kWh/an), achetée auprès d’un installateur local à 6500€ TTC (matériel + installation + démarches administratives).
Taux d’autoconsommation = 30%*. Soit 900 kWh autoconsommés + 2100 kWh de surplus
Situation en janvier 2025 | Situation après modification | |
Économies liées à l’autoconsommation (900 kWh) | 216 €/an | 216 €/an |
Vente du surplus (2100 kWh) (contrat en OA sur 20 ans) | 266 €/an | 84 €/an |
Prime versée 1 fois | 660 € | 240 € |
Années pour amortir l’investissement | 12 ans | 19,5 ans |
- Installation de 6 kWc, dans un foyer ayant une consommation électricité plus importante, eau chaude et chauffage électrique (10 000 kWh/an), achetée auprès d’un installateur local à 12 000 € TTC (matériel + installation + démarches administratives).
Taux d’autoconsommation = 30%*. Soit 1800 kWh autoconsommés + 4200 kWh de surplus
Situation en janvier 2025 | Situation après modification | |
Économies liées à l’autoconsommation (1800 kWh) | 432 €/an | 432 €/an |
Vente du surplus (4200 kWh) | 533 €/an | 168€/an |
Prime versée 1 fois | 985 € | 480 € |
Années pour amortir l’investissement | 11,2 ans | 17,8 ans |
L’approche économique du photovoltaïque devient un frein pour son déploiement, spécifiquement pour les particuliers. Ralentir cette filière c’est aussi déresponsabiliser les citoyens sur la notion d’énergie, autant sur la production que la consommation.
*Le taux d’autoconsommation est ici une estimation moyenne basée sur des analyses précises de données de consommations journalières. Elle dépend du profil de l’occupant (retraité, actif, famille), de son taux d’équipements et des usages spécifiques de l’électricité dans le logement ainsi que du recours ou non à l’électricité pour produire son chauffage ou son eau chaude. Pour en savoir plus
Nos propositions pour éviter le désastre !
Dans un courrier envoyé aux sénateurs et députés de la région Hauts-de-France, nous expliquons cette situation alarmante pour la filière. Cette évolution réglementaire risque de détruire beaucoup d’emplois (60 000 selon les syndicats). Nous sommes tout à fait conscients qu’une évolution était nécessaire : le modèle en vente totale n’a plus lieu d’exister (dès lors qu’il y a des consommations sur le site de production), mais une baisse trop brutale des tarifs de soutien en obligation d’achat provoquera un trop fort ralentissement voire un coup d’arrêt de la demande. Peu d’installateurs seront en capacité d’amortir la baisse des carnets de commande et la confiance sera à nouveau ébranlée pour les porteurs de projets et acteurs de la filière.
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Source : PV France / ADEME
Mais le tarif de vente de surplus, au delà de faciliter l’accès à un responsable d’équilibre (code de l’énergie), ne peut pas n’être fixé qu’à 4 c€/kWh :
- Un tel tarif permettra à l’organisme d’Obligation d’Achat (EDF) d’acheter des kWh à 4c€, pour les revendre plus cher sur le marché.
- Un tel tarif incitera à autoconsommer au maximum (du point de vue économique), ce qui aura pour effet soit à mettre moins de panneaux sur son toit (freinant le déploiement de capacité de production) soit à consommer toute sa production annulant ainsi toute opportunité de réduction de ses kWh.
Dans un contexte de décroissance de nos consommations nécessaire, c’est un grand pas en arrière. - Un tel tarif accentuera le déséquilibre territorial à l’échelle nationale où le solaire photovoltaïque continuera à se développer au sud de Paris et toujours moins au Nord cf. infographie
- Un tel tarif livrera encore plus les porteurs de projet et habitants aux offres de marché (acheteur de surplus, batterie virtuelle, batterie physique) qui n’offrent pas de visibilité de long terme, peu de garanties de rentabilité et voire même se révèlent être des arnaques ou offres abusives.
C’est aussi l’occasion de rappeler nos préconisations concernant le soutien national à l’énergie solaire :
- de donner leur chance aux petites installations
- que l’arrêté tarifaire ambitionne un déploiement plus massif (soutien tarifaire maintenu, objectifs relevés)
- que les obstacles administratifs décourageant soient revus
- l’établissement de tarifs régionaux, afin de tenir compte des différences d’ensoleillement selon les territoires
- de changer la progressivité des tarifs par effet de seuil